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21 avril 2005
Comment les fourmis construisent des pièges pour capturer leurs proies


La plante Hirtella physophora
© CNRS Photothèque – Jérôme Orivel
Des chercheurs du laboratoire Évolution et diversité biologique (CNRS - Université de Toulouse 3 - ENFA Toulouse) ont étudié en Guyane des fourmis arboricoles capables de capturer de grosses proies grâce à des pièges construits sur les plantes où elles vivent. Pour ce faire, elles utilisent les poils de la plante, de la matière organique et le mycélium d'un champignon. Ce type de stratégie de prédation collective n'avait jamais été décrit chez les fourmis. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature du 21 avril 2005.

Les fourmis Allomerus decemarticulatus, qui habitent exclusivement dans la plante Hirtella physophora, construisent un piège pour capturer des insectes qui sont ensuite consommés. L'association entre cette fourmi et la plante est un mutualisme : la plante fournit un logement aux fourmis sous la forme de poches situées à la base des feuilles et les fourmis protègent en contrepartie leur plante hôte contre les insectes herbivores. Grâce à ce piège, les fourmis qui mesurent 2 mm de long arrivent à capturer des insectes de plus de 3 cm et pesant plus de 1500 fois leur propre poids.

 

Le piège est construit à partir de poils de la plante, de matière organique et d'un champignon spécifique dont le mycélium cimente le tout. Pour ce faire, les fourmis commencent par couper une partie des poils sur la face inférieure des tiges, dégageant ainsi une allée. Ces poils coupés, enchevêtrés les uns aux autres, servent de trame à la construction de la galerie dont les piliers vont être formés par les poils que les fourmis n'ont pas enlevés. Elles intègrent ensuite à cette base des débris de matière organique, ainsi que le mycélium qui commence à se développer au niveau des trous puis gagne l'ensemble du piège pour finalement former une sorte de galerie percée de nombreux trous.

Les fourmis se postent à l'affût dans la galerie au niveau des trous, les mandibules ouvertes. Dès qu'un insecte arrive sur le piège, elles se saisissent alors des extrémités des pattes et des antennes et les tirent à l'intérieur de la galerie. La proie se retrouve alors immédiatement écartelée et immobilisée. Puis, d'autres fourmis sortent du piège pour piquer et paralyser la proie avec leur venin. Après cette phase de capture très rapide, la proie est transportée et découpée lentement jusqu'aux poches foliaires où logent les fourmis. 

 

Ce phénomène présente deux nouveautés. Tout d'abord, la construction collective d'un piège n'était connue jusqu'à présent que chez les araignées sociales qui élaborent des toiles collectivement. Mais à la différence des araignées, le piège construit par ces fourmis n'est pas constitué d'élément interne, la soie, mais d'éléments provenant à la fois de la plante et de l'environnement, auxquels s'ajoute un champignon spécifique. De plus, grâce à ce piège, ces fourmis peuvent subvenir à leur besoin en azote, un des principaux facteurs limitants dans le milieu arboricole. L'azote, qui est indispensable à la croissance des larves, est fourni par les protéines des proies. Les pièges permettent aux fourmis de capturer de gros insectes et d'obtenir ainsi une quantité suffisante d'azote.

 

 

 


Sauterelle piégée par les fourmis
© CNRS Photothèque – Alain Dejean

 

Références :
Arboreal ants build traps to capture prey, Alain Dejean, Pascal Jean Solano, Julien Ayroles, Bruno Corbara, Jérôme Orivel, Nature 21 avril 2005.

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